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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

les adresses : l’une était de l’écriture de Marthe Villaret. Accoudé au bastingage, il regardait avec une attention douloureuse cette enveloppe évocatrice, sans oser l’ouvrir. Qu’allait-il y trouver ? Quels regrets ? Quelle tristesse ? Quelle amertume ? Valait-il pas mieux la jeter à la mer, avec son secret ? Après tout, c’était peut-être très banal ce que renfermait cette lettre. Il l’ouvrit et la lut :

« J’ai voulu, très cher ami, que cette lettre ne vous apporte plus que le souvenir déjà lointain de la Parisienne frivole qui faillit troubler votre vie, un souvenir ému des jolies heures qui furent et aussi de celles que peut-être nous avons rêvées tous deux. Ces quelques mots vous sont adressés sur le bateau, afin que le chemin mouvant de votre vie nouvelle ne vous permette plus le retour. Peut-être aurait-il été plus sage de ma part de vous laisser seulement dans le cœur un peu de la rancune, presque de la haine, dirais-je, que vous avez éprouvée pour moi dans le cadre élégant et factice que je vous avais imposé. Je n’en ai pas eu le courage.

« La Marthe Villaret que vous avez aimée n’est pas celle du Ritz, mais un être tendre et très doux que les adulations du monde ont sans doute un peu gâté, sans pouvoir détruire sa vraie nature. Cet être-là fût peut-être parvenu à vous comprendre ? Votre volonté parfois un peu brutale l’effarouchait, et alors il se vengeait par un mot vif qui vous blessait.

« Mon snobisme vous déplaisait. Savez-vous