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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

Razane avait sur l’union de l’homme et de la femme les conceptions de ses ancêtres. Sa philosophie de l’amour se résumait en quelques maximes simples :

« Il sied à une femme d’avoir honte, en plein jour, quand plusieurs hommes la désirent. — Il n’est pas convenable, pour une jeune femme, d’avoir l’air de connaître, dans la rue, un homme à qui elle s’est donnée. — Le martin-pêcheur s’enorgueillit devant les oiselles de la variété de ses plumes, et la femme montre à ses prétendants, pour se faire valoir, la richesse de ses bijoux. — Un potier ne fabrique pas un pot pour cuire une seule mesure de riz, ni une mère n’a mis au monde sa fille pour réjouir un seul homme. — On ne peut pas porter deux cruches en même temps sur la tête, mais on n’est pas forcé de toujours puiser l’eau dans le même vase. »

L’Imérinienne, tout en suivant la coutume de ses ancêtres, essayait bien de simuler certains sentiments qu’elle devinait recherchés par son mari européen, mais quelquefois elle oubliait de feindre. Et puis, quand Raclaude causait avec elle, il savait si habilement embrouiller les questions qu’elle finissait toujours par répondre des choses qu’elle n’aurait pas voulu dire. Une fois Saldagne dut s’absenter plus de quinze jours pour visiter dans le Sud une concession de sa Compagnie et surveiller des travaux de boisage dans une mine. Quelques jours avant son départ, Zane et lui faisaient la sieste sous la varangue. Les stores en rabanes diffusaient