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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

— Mais ne l’avez-vous point reniée ? Vous ne voulez même pas qu’elle reçoive vos os…

— Sais-je ce que je veux, et quelles volitions lointaines, quelles reviviscences mystérieuses le flux de mon sang poussera demain vers mon cerveau ? Peut-être dormirai-je chez mes pères de là-bas, dans le cimetière banal d’une petite ville, enclos d’un grand mur blanc, le long d’une route bordée de peupliers.

— Mais peut-être que vos enfants d’ici retourneront sur le lit de pierre votre dépouille momifiée, enveloppée tous les ans d’un suaire de soie neuf.

Asa, comme disent les Malgaches. Je n’en sais rien. Je m’efforce d’imiter leur sagesse, de ne pas penser à la mort. Pourquoi gâter les heures présentes par l’inutile préoccupation d’un avenir inconnu. J’aime le proverbe imérinien : « Douce est la vie ».

— Oui, douce est la vie à Tananarive, sous le ciel clair, dans l’éternelle joie de la lumière ! Jamais ce peuple heureux ne s’encombrera de nos tristes religions, ne se laissera gagner par notre activité insupportable.

— Qui sait ? Les Malgaches ont l’esprit puéril et la mémoire courte. Dans vingt ans que seront-ils ? Peut-être les Japonais de l’Afrique. Certains leur supposent avec les Nippons une parenté ethnique. Les jeunes Malgaches instruits se proposent, dit-on, les Japonais pour exemple. Ils veulent, comme eux, doubler les étapes de la civilisation et rattraper les Européens, leurs aînés.