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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

l’invitation de notre aimable hôte, quelles sont ses impressions, à votre avis, Berlier ?

— Hem ! Hem ! Il y a ici, vous le savez, des Malgaches de tous les mondes.

— Oui, mais la fusion entre eux n’est-elle pas accomplie ?

— À regarder de près, certaines nuances révèlent bien quelque gêne. Ainsi voyez la-bas, au fond de la salle, toutes nos ramatous assises les unes à côté des autres. Elles font bande à part, ou plutôt les dames malgaches s’écartent d’elles comme de brebis galeuses.

— Mais les maris de ces dames, il me semble, dansent indifféremment avec les unes et les autres ?

— Par déférence pour le vazaha qui invite et pour les autres Européens mariés à des Imériniennes. Le vrai monde malgache tolère pour un soir cette promiscuité, mais il ne s’en accommoderait plus dans les relations habituelles.

— Plus, dites-vous. C’est donc que les mœurs ont changé ?

— Sans doute… Jadis on était flatté, dans les bonnes familles, de voir les filles recherchées en mariage temporaire par des Européens. L’indifférence amorale des Malgaches pour les diverses formes que peuvent revêtir les rapports sexuels leur permettait de n’avoir aucun préjugé. L’amour parfaitement libre supprime la prostitution. Mais les lois françaises et l’influence des Missionnaires ont changé tout cela, en apparence du moins.