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Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/162

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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

rythme du filanzane dans le bien-être de la limpide chaleur, Il se sentait physiquement heureux. Mille riens l’intéressaient : la course apeurée d’un grand coq rouge, haut perché sur de longues pattes jaunes, et qui fuyait devant un chien, l’appétit glouton d’une poule profitant de l’inattention d’une marchande pour picorer à même dans une pleine corbeille de riz, le manège d’une petite Malgache coquette qui de loin, en le voyant venir, ouvrait très large son lamba en bombant les seins naissants sous la chemisette de soie jaune, puis soudain s’enveloppait toute, très chastement, dans le grand carré d’étoffe blanche, ne laissant plus voir, lorsqu’elle passait à hauteur de l’étranger, que le sourire de ses yeux malicieux. Ces visions lui apparaissaient presque plus familières que celles de la rue de sa ville natale, où s’était écoulée sa première enfance, et il avait l’impression d’être chez lui dans la grande cité australe dont, un an plus tôt, il connaissait juste le nom : Tananarive. Ce nom chantait dans sa mémoire depuis de longues années, dès le collège, lorsqu’il avait appris la géographie des cinq parties du monde, en quelque petite classe. Un souvenir se précisait : une fois, en faisant une carte et traçant le rond noir qui marquait Tananarive au milieu de l’île de Madagascar, son imagination d’enfant s’était attardée à rêver de cette ville lointaine ; il s’était dit que cette terre-là, avec ses paysages mystérieux et ses races d’hommes inconnues, il ne la verrait jamais, plus tard, lorsqu’il serait grand, et, pour la première fois il avait conçu