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Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/196

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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

rive, avec des maisons en carton et des arbres en copeaux. Des figurines sculptées reproduisaient en miniature les scènes et les métiers de la vie malgache : filanzane avec ses quatre porteurs, bourjane équilibrant sur l’épaule deux corbeilles aux extrémités d’un bambou, femmes jouant au jeu des 32 trous, vieillards poussant les pierres blanches ou noires sur les lignes entrecroisées de la marelle imérinienne, sorcier chargé d’amulettes, disposant les graines divinatoires pour prédire l’avenir, guerriers Bares avec les cheveux roulés en boules et un large coquillage blanc fixé sur le front, femmes pilant le riz dans les grands mortiers carrés ou portant sur la tête les vases ronds en terre brune.

Razane regardait avec un sourire de pitié les humbles instruments de musique de ses pères, les doubles flûtes percées de trous, les cithares faites avec des courges, les valih taillées dans un bambou, et les longs tambours cylindriques recouverts de peaux jaunies. Elle préférait les instruments nouveaux importés d’Europe, violons, guitares, mandolines, surtout les accordéons, répandus par milliers jusque dans les cases les plus reculées de la brousse. Même au fond de son cœur elle souhaitait que Claude louât un piano, elle eût désiré apprendre cette musique coûteuse et bruyante, apanage des femmes européennes ; l’administrateur Jean Romain n’avait-il pas offert dernièrement cette joie à sa ramatou ? Celle-ci prenait des leçons d’un musicien malgache, initié au piano pendant l’exposition de Marseille ; l’élève, dès la