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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

fois, quand elle lui parlait, ou que, venant derrière lui, elle mettait autour de son cou le collier de deux bras frais et sur la joue la caresse des cheveux à demi dénoués, il tressaillait brusquement, comme si son esprit, parti pour un mystérieux voyage, fut revenu à ce moment-là dans son corps. Ces changements, ces nouvelles manières d’être la laissaient anxieuse ; puisque ses séductions de femme, pour la première fois, restaient vaines, elle résolut de recourir encore à l’aide des Ancêtres.

Un matin elle s’en alla vers les Grandes-Roches debout au milieu des rizières, près du fleuve Caïman. C’est là qu’au temps des Anciens, Ranoure, la Belle-aux-longs-cheveux, Fille des Eaux, venait se reposer sur un ilot pierreux émergeant du marais. Elle croyait que des touffes de roseaux zouzoure la cachaient aux yeux des hommes, mais l’Œil-du-Jour n’était pas seul à voir sa ceinture d’algues et ses beaux yeux ouverts dans son visage comme deux fleurs de lotus sombrer à la surface d’un étang : Andriamboudilouve, descendant des plus antiques possesseurs de cette terre et père futur d’une illustre lignée, la contemplait à son insu ; un jour il s’approcha d’elle par derrière, la saisit par sa longue chevelure et l’emmena de force dans sa case pour lui donner des enfants. Durant dix années, elle ne désira pas s’enfuir, et l’amour la retint dans la demeure de celui qui l’avait prise. Cependant l’homme un jour viola les Interdictions imposées ; alors revint à Ranoure le souvenir de son ancienne