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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

noure ? Tu vas te marier avec un nouveau vazaha ?

— Oh ! non ! Pas tout de suite ! Je vais aller chez mes parents à Ambouhitrabibe, puis je reviendrai à Tananarive.

— Dans combien de temps ?

— Je ne sais pas.

Ainsi toutes les convenances seraient observées. Décidément il n’y avait rien à dire. D’ailleurs, si certaines ramatous se conduisaient mal avec des Européens, ceux-ci ne leur en donnaient-ils pas l’exemple ? Il se rappela des histoires vraies qu’on lui avait contées, et où les hommes de sa race n’avaient pas le beau rôle, une surtout dénouée récemment : dans un chef-lieu de district voisin de Tananarive, un fonctionnaire vivait avec une Imérinienne qu’il avait depuis neuf ans ; trois enfants, nés de cette union quasi-légitime, élevés dans la maison de leur père à l’européenne, portaient chapeaux et souliers, mangeaient à table avec leurs parents, recevaient des rudiments d’instruction française. Brusquement, la femme fut emportée par une pneumonie ; l’homme, l’Européen, le civilisé, quelques jours après, renvoya les petits dans la famille malgache de leur mère, en un village perdu de la montagne ; il fit venir de Tananarive une jeune et jolie ramatou ; et il cessa complètement de s’occuper de ses enfants, il les laissa retomber à la vie indigène, avec la nostalgie d’une existence plus belle qu’ils avaient connue : il n’expédia jamais d’argent aux parents malgaches qui les