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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

Saldagne était absent la plus grande partie du jour. Ses affaires l’absorbaient, et il travaillait beaucoup, pour tout laisser en bon ordre au moment de son départ. La ramatou s’accommodait de ces nouvelles habitudes ; elle échangeait des visites avec ses amies ; parfois elle passait des heures dans la maison de ses parents, où elle retrouvait tous les familiers d’autrefois. Elle y prenait certains jours le repas de midi, quand le vazâha, la veille, l’avait prévenue qu’il ne rentrerait pas. Manger par terre, accroupie sur une natte, avec une cuiller de bois, ne la gênait en aucune façon ; elle puisait sans dégoût au gros tas de riz versé parfois à même une natte au milieu du cercle de convives, et tendait son assiette, comme quand elle était petite fille, pour avoir des brèdes ou pour recevoir de sa mère la part rituelle du poulet, la cuisse ou le pilon, due aux enfants. Même ces retours à la vie d’autrefois lui faisaient plaisir. Elle ne s’était jamais habituée complètement aux coutumes des étrangers, et se sentait comme affranchie d’une contrainte, quand elle pouvait ne pas s’asseoir devant une table servie à l’européenne.

Trois mois passèrent. Bientôt, songeait Claude, il faudrait prévenir Razane. Il en éprouvait un ennui, une gêne, plutôt qu’une émotion. Sans doute il supposerait un câblogramme reçu de France et le rappelant, pour simplifier les explications. Il se donna une semaine encore.