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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

des bousculades, et le peuple effrayé des poules se réfugia dans les maisons.

Claude se souvint : la case des parents de Razane était dans ce quartier. De petites filles presque en haillons, leurs chevaux ébouriffés pleins de fétus de paille, jouaient auprès de lui. Au milieu de cette simple population, vivant de riz et de brèdes, habitant les mêmes taudis, pèle-mêle avec les volailles et les cochons, on distinguait mal les enfants plus aisées des petites indigentes, les unes comme les autres ignoraient souliers, chapeaux, mouchoirs, et grattaient continuellement leurs têtes vermineuses. Telle avait été jadis Razane petite fille. Elle partageait sans doute dix ans plus tôt, ces jeux innocents ; puis elle avait eu, dans l’ombre des cases, d’autres passe-temps avec les hommes. Ensuite, elle était sortie de son peuple. Pourquoi ?

Saldagne eut l’idée de revoir la maison montrée une fois en passant par sa ramatou. Il se rappelait un petit sentier cahoteux, au coin d’un grand tombeau, crut le reconnaître, s’y engagea. Des eaux sales stagnaient, suintaient entre les pierres, répandaient une odeur d’égout, à la fois sûre et fade. Le chemin sinuait entre de grands murs de terre rouge, découronnés et crevassés d’innombrables lézardes. Des brèches, ça et là, servaient de portes pour entrer dans des cours pleines d’immondices, de poules et d’enfants. Claude avait maintenant l’impression de s’être trompé. Mais la vie obscure et misérable, hors du grand soleil, dans l’ombre des venelles, l’intéressait.