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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

des visions obscènes et des pensées troubles. Il se sentait très calme, sans colère, sans indignation, sans haine. Il ne souffrait ni dans sa chair, ni dans son amour-propre. Il n’en voulait point à l’Imérinienne, que les Européens avaient détournée de sa race. Lui-même, depuis deux mois, n’avait-il pas abandonné en esprit Razane pour retourner à Marthe Villaret. L’infidélité lui apparaissait réciproque, et l’erreur était au début même de leur liaison : pourquoi chercher à unir la vie de deux êtres qui suivent les coutumes d’ancêtres différents ?

Il réfléchissait posément aux mesures a prendre. Une s’imposait : le renvoi immédiat de Razane, non pour la punir, mais parce que ce serait plus propre ainsi. Après le flagrant délit de tout à l’heure, il devenait impossible pour Claude de continuer la vie commune. Entre le vazaha et la ramatou, une dégoûtante image trop précise se fût interposée. D’ailleurs la séparation définitive n’en serait avancée que d’un mois à peine. Il rentra lentement chez lui, avec la ferme résolution de rompre ce soir même. Il n’éprouvait ni affres, ni inquiétude, à peine de l’ennui.

Le divorce ou la rupture des unions libres n’entraîne pas à Madagascar les mêmes complications qu’en France. « Le lien du mariage est assez lâche, dit un proverbe malgache, pour être facilement dénoué ». D’après l’ancienne coutume imérinienne, la répudiation de la femme par la volonté ou le caprice du mari était une des formes régulières de la dissolution