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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

dîner avec lui, s’attabla dans la salle de café. De la fenêtre ouverte, au bord extrême du petit plateau d’Antaninarenine, on dominait le paysage imérinien. Des brumes venues de la grande forêt de l’Est envahissaient tout un côté de l’horizon ; le ciel presque entier se colorait de rouge, de rose, de violet. Les montagnes changeaient de teinte à chaque minute ; leurs plans successifs se détachaient en vigueur dans la lumière blonde, et s’abaissaient irrégulièrement jusqu’à la plaine de Bétsimitatre. Dans le creux au-dessous de Tananarive, le manteau vert du riz nouveau ondulait, se prolongeait en golfes jusqu’aux premières collines couvertes de maisons et de villages. C’était, après la verdure humide et reposante des rizières, un contraste de couleurs violentes et chaudes, avec des oppositions de pourpre et de bleu, de mauve et d’ocre brûlée. Puis les plans de plus en plus lointains s’estompaient dans une brume de plus en plus claire ; d’abord bleus, puis dorés, et, à l’extrême horizon, qu’on eût attendu sombre, il semblait que les montagnes émettaient toute la clarté du jour près de mourir. Mais déjà la brume, moins lumineuse, atténuait les horizons ; la pourpre du ciel et l’azur des montagnes se confondaient en tons indécis, on ne distinguait plus que des couleurs substituées aux formes, tandis que, près de l’hôtel, la foule des lambas circulait en théories blanches sur le fond des manguiers d’Antsahavoul.

Enfin, en quelques minutes, tout s’assombrit. La nuit littéralement tomba, sans crépus-