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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

ciels pâles de l’Europe, ces étoffes discordantes.

Çà et là, quelques Imériniennes, habillés à la mode de Tananarive, en cheveux, avec les multiples petites tresses serrées, plus simples et plus jolies, mais combien moins exotiques, se drapaient, comme des statues, dans leurs grands lambas blancs. Claude, en regardant celles-là, ne pouvait s’empêcher de penser aux jours abolis d’Iarive, et une nostalgie vague se mêlait à la joie de retourner vers l’amie française.

Après la musique, il goûta encore la douceur de vivre, sur la terrasse de l’hôtel, en face de l’océan. La nuit tropicale, à demi lumineuse, avait dès six heures et demie succédé au jour. Le ciel était extrêmement doux de couleur, une vague brume empêchait de distinguer les étoiles. La mer apportait, avec ses relents d’humidité, de fortes senteurs d’algues. Le bruit du ressac, irrégulier et sourd, retentissait comme le grondement d’une bête monstrueuse, et rendait vivante la nature.

Sur le boulevard océanien, au pied de la terrasse, des pousse-pousse, silencieux sur leurs roues caoutchoutées, passaient de loin en loin : sur la digue erraient des ombres blanches, goûtant la fraîcheur de l’heure, des femmes en grands chapeaux clairs, des hommes en blanc.

L’acétylène jetait ses clartés aveuglantes dans la salle à manger de l’hôtel et sur la terrasse. L’océan, invisible dans la nuit, se révélait seulement par le bruit du flot battant éternellement les grèves.

Claude cherchait à distinguer, au milieu de