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Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/35

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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

de bananiers et de cactus, des villages rouges émergeaient, comme des îles.

La main crispée sur le petit mur, Claude se pencha au-dessus du précipice que dominait sa maison. C’était un à pic d’une centaine de mètres, les grandes parois rocheuses, en gneiss rouge zébré de taches noires par les pluies, se bombaient comme des poitrines, et à leurs flancs s’accrochait toute une végétation de cactus, de lilas de Perse, de jacarandas bleus, de sévabés aux fleurs violettes. Au nord, la montagne s’abaissait, descendait en une coulée de maisons jusqu’à un promontoire arrondi terminé par une sorte de falaise et baigné par le petit lac Anousse.

La soirée était d’une intensité de lumière admirable. Très tard le ciel restait d’un bleu profond, tandis que la terre et les habitations des hommes rayonnaient la chaleur et la lumière de la journée. Les cases, dans la verdure, émettaient des effluves roses, car la brique et la terre d’Imerina sont lumineuses au coucher du soleil, comme les pierres du Palais Vecchio à Florence. Dana l’air pur et transparent, les arbres et les choses proches étaient comme animées à force de clarté sereine tandis qu’à l’ouest, au loin, sur l’Ankâratre, de sombres nues s’accumulaient et se confondaient avec les montagnes, dans un fouillis de tons violets, roses et cuivrés, pareils aux débauches de couleurs que répand le soleil austral sur la palette changeante de l’Océan Indien.

Cet étrange contraste surprenait Claude chaque