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Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/90

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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

et, dès qu’ils virent les étrangers, se sauvèrent pour porter la nouvelle. Zane leur avait crié quelques mots d’une voix gutturale ; ils avaient répondu par des exclamations bizarrement modulées. Cet échange de pensées, dans une langue pour lui mystérieuse, entre sa petite épouse et les êtres sauvages qu’il venait d’apercevoir, lui fit une impression singulière : il se sentit comme rapproché des farouches habitants de ce coin perdu de la Terre australe. Razane l’unissait à eux. Une joie de vivre, calme et grave, toute malgache, le pénétra ; elle émanait des pierres grises polies par les mains des vivants d’autrefois, du fossé plein d’arbres et de fleurs, d’où jaillissaient les bananiers gonflés de sève, surtout de la chair de l’Imérinienne exaltée par le milieu natal et qui souriait à son côté.

Il voulut passer entre les deux piliers de la porte, toucher le disque vénérable, puis il s’engagea dans le couloir de pierre. À la sortie, il eut une surprise de se trouver dans le village, en face de cases en terre rouge, de pauvres cases tristes et laides. Une trentaine de Malgaches, debout ou accroupis, semblaient les attendre. C’étaient les parents ou alliés de Razane, ses propres parents par son mariage avec l’Imérinienne. Elle alla vers eux très naturellement, et il la suivit. Il y eut des salutations sans fin, auxquelles la ramatou répondit. Quelques-uns regardaient l’Européen, souriaient en disant :

— Bonjour, mésié !

Claude, au hasard, serrait leurs mains. Nul n’embrassait Zane. Ils se contentaient de vives