Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/25

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La théorie de l’Être de Parménide d’Élée est un modèle achevé de ce que la méthode réaliste peut faire en enfermant du premier coup en un sujet unique et universel la plus générale des idées abstraites : L’Être est, dit Parménide ; le non-Être n’est pas. L’Être n’a pu venir ni de lui-même, car alors il aurait dû être avant d’être, ni du non-Être, qui n’est pas ; il ne peut subir aucun changement, il est un et indivisible, sans commencement et sans fin.

L’Être et la pensée sont identiques, dit encore ce philosophe, et, quoiqu’il ne puisse expliquer la nature de cet Un, qu’il réalise, sa formule signifie toujours que, dans l’Être, il n’y a pas de distinction entre le sujet et l’objet, l’objet n’étant que le sujet pensé. Il n’y a pas de conscience diversement déterminable.

Et l’Être est limité, parce qu’il est parfait. Un disciple, d’ailleurs fidèle, de Parménide, Mélissos, regarde l’Être, au contraire, comme infini. L’idée d’infinité, que l’école pythagoricienne avait à juste titre liée à celles d’indétermination et d’imperfection, devenait pour d’autres écoles le caractère du parfait.

Le dialecticien éléate, Zénon, a montré, par ses célèbres arguments, qu’une critique inintelligente a fait passer pour des sophismes, combien le réalisme d’un sujet infini est opposé au réalisme de l’école d’Élée. Il objectait aux partisans de la réalité subjective de l’étendue continue (ou encore du mouvement d’un mobile qui la traverse) que leur opinion impliquait l’infinité des parties du sujet matériel, ou des moments du mouvement, ce qui rendait impossible la sommation effective de ces éléments. Il voulait, mettant ainsi à profit l’opinion commune sur la nature de l’espace et de la matière, démontrer que la divisibilité et le mouvement