Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/81

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des éléments et l’impossibilité de fixer et de définir les qualités sensibles de façon à pouvoir constituer des sujets réels, admet l’existence d’un réceptacle commun des formes, d’où elles sortent, où elles rentrent ; mais cet être indéfinissable, qui, d’après l’interprétation donnée par Aristote à la pensée peu précise de Platon, n’aurait pas différé pour ce dernier de l’espace, théâtre des apparences, était moins un sujet que le concept du lieu où les idées et les nombres sont rendus participables aux âmes. Les âmes, l’Âme du monde d’abord, œuvre première du Démiurge, sont composées, à l’imitation des Idées, avec des matériaux symboliques, d’après la méthode pythagoricienne. Les éléments eux-mêmes sont définis par la figure abstraite et par les nombres, non plus par rapport à la sensation. Les Idées, modèles éternels des choses, placées hors du temps, comme le Bien leur père, possèdent l’invariable réalité ; le temps est une fonction attachée aux révolutions astrales par le Démiurge. Les Idées, fond réel de l’être, ont l’acception universelle, qui devait leur rester en philosophie, de tout phénomène de nature mentale ; mais, envisagées comme des sujets en soi et hors du temps, elles ne se présentent point à titre de modes de penser donnés en des consciences personnelles.

Des raisons théologiques se sont opposées à la franche reconnaissance, de la part des docteurs chrétiens, et des critiques restés sous leur influence, d’une doctrine qui pût être prise pour l’origine du dogme de la trinité ; mais le fait est que la théorie des hypostases, qui se formula à Alexandrie, peut déjà se démêler chez Platon en distinguant les thèses hiérarchisées dont se compose sa conception du principe et de l’établissement du monde : la première est le Bien, supérieur à