Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/84

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sujet abstrait et universel, indéterminé par conséquent, a toutes les formes en puissance. Cette théorie, de nature essentiellement logique, fixe la place que la notion de substance garde dans l’aristotélisme. Elle est d’accord avec la polémique d’Aristote contre les idées platoniciennes, dans laquelle il enseigne qu’il n’y a d’êtres réels que les êtres particuliers, et que les genres n’ont d’existence que dans le sens attributif, ou de qualité (sens secondaire de l’οὐσία). L’universel n’est pas l’être.

L’aristotélisme fait grand emploi d’une conception, qui n’est plus celle de la substance mais d’un certain devenir universel des phénomènes, la nature, qu’on a pu aisément identifier avec l’Être universel. Mais Aristote, dont le langage se plaît à la personnifier, ne lui attribue pourtant ni l’unité, ni la nécessité. C’est une donnée empirique et qui s’impose, dit-il, sans démonstration possible, dans laquelle nous ne reconnaissons ni des lois inflexibles, car il y entre du hasard, ni la dépendance par rapport à une cause efficiente, ni une évolution d’un commencement à une fin déterminée, ni d’ailleurs l’origine du mouvement. Le mouvement est éternel, suspendu à l’éternité d’un moteur immobile, qui agit comme cause finale. En remontant jusqu’au principe suprême nous sortons de la nature, elle n’est que ce qui tend à ce principe, partout et toujours une puissance, et en elle-même rien de plus, puisque tout ce qu’elle réalise successivement d’actuel est chose caduque.

Quand le syncrétisme alexandrin, dans lequel les doctrines de Platon et d’Aristote étaient autant que possible rapprochées, se fixa dans la théorie de l’émanation, l’Âme du monde, troisième hypostase, qui aurait pu aisément prendre une forme substantialiste,