Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/245

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moi ? Alors, si j’étais pauvre, tu m’aimerais davantage ?

— Non, Gilbert, puisque je t’aime de toute mon âme, mais si tu étais pauvre, je n’aurais pas les mêmes devoirs, je n’aurais pas à craindre les mêmes soupçons.

Il l’attira sur ses genoux et poursuivit :

— Les mêmes soupçons ! Mais il n’y a que les imbéciles et les méchants qui oseraient te juger si mal ! Que me fait l’opinion de ces idiots ? Sais-tu que c’est horrible de discuter entre nous ces choses-là ? Voyons, ma petite Éva, réfléchis encore ! Que deviendrai-je lorsque tu ne seras plus près de moi toute la journée ? Tu n’es pas seulement mon bonheur, tu es mon inspiration ! Je t’en conjure, renonce à tes folles idées. Oui, je sais bien, tu veux devenir une grande artiste, tout à la fois par amour et par orgueil. Comme si j’avais besoin de cela pour t’adorer !

— Non, j’en suis certaine, mais moi, j’ai l’ambition de conquérir par le travail le droit d’être toujours à toi, sans remords, sans souci de l’opinion publique ! Si tu t’opposes à l’exécution de mon projet je t’obéirai, je ne te quitterai pas, puisque, si je me séparais de toi, j’en mourrais ; mais ton amour ne me rendra pas l’estime de moi-même. Est-ce que je puis être, moi, une femme comme tant d’autres ? C’est moi qui t’en supplie, laisse-moi m’élever jusqu’à toi ! Il me semble que je t’aimerai mieux encore !

Elle couvrait son front de baisers, et lui, il ne savait plus que dire.