Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/276

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puisque, ainsi qu’il le lui répétait dans chacune de ses lettres, Gilbert ne prolongeait son séjour à Paris que pour se rendre tout à fait libre, de façon à pouvoir l’accompagner ou la rejoindre à Naples et à revenir en France avec elle.

Il semblait donc qu’elle n’eût rien à désirer, mais seulement à se laisser bercer par le rêve dont la réalisation était si prochaine. Or, au contraire, ainsi que le navigateur qui, après avoir patiemment supporté plusieurs mois de mer et vaillamment affronté les tempêtes, trouve interminables les dernières heures qui le séparent de la terre et redoute des dangers imaginaires, de même, au moment d’atteindre le but de sa vie, Éva tremblait d’échouer au port ; et, malheureusement, au lieu de lutter contre ces craintes, en prenant les distractions qui lui étaient permises, elle les entretenait, en quelque sorte avec passion, par le genre de vie qu’elle menait.

Ainsi, elle profitait des moindres loisirs que lui laissait le théâtre pour visiter les ruines de Rome et surtout les monuments religieux, dont le calme plaisait à son mysticisme ; et il arrivait souvent qu’en exaltant sa foi, en troublant sa conscience, ses trop fréquentes stations dans des vieilles et sombres églises la plongeaient dans de longues tristesses, qui la ramenaient fatalement vers le passé, lui rappelaient les épreuves qu’elle avait traversées, les morts qu’elle pleurait toujours, et lui faisaient douter qu’elle eût droit au bonheur.

Jeanne faisait bien tout son possible pour arracher