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D’UN HOMME DE QUARANTE-CINQ ANS

toire. Car je ne dis pas tout !… — Eh pourquoi, chère fille !… — Ah ! Que tu me deviens intéressante !… Mais dis-moi tout, je t’en conjure ? — Non. cela ne se peut pas ! — Je ne vous le demande plus, Sara. — Mon bon ami, dit-elle alors, on nous attendrait pour souper, descendons. » C’était le 21 janvier que Sara me fit cette confidence.

Le lendemain lundi, ne voyant pas Sara que j’avais attendue pour recevoir son adieu ordinaire, je descendis. Mais quelle fut ma surprise d’entendre une querelle, des pleurs, des cris. « La mère. Vous êtes une p… — La fille sanglotant. Si je ne le suis pas, ce n’est pas votre faute ; vous y avez fait tout ce que vous avez pu. — La mère. Ah ! insolente ! Attends ! Attends !… » Des pleurs, des cris de la part de la fille. J’entrai, craignant que ma chère Sara ne fût maltraitée. « La mère. Une fille, monsieur, qui me répond des impertinences ! — Moi. Ma chère Sara ! calmez-vous ! » La mère étant passée dans l’autre chambre, je pris la main de ma jeune amie, qui me reçut assez mal. Cependant elle se calma et se disposa aussitôt à retourner chez ses maîtresses. Je la laissai s’habiller, et j’attendis qu’elle vint me voir. Mais on ne lui permit pas de monter apparemment, ou elle ne l’osa pas. J’étais à la fenêtre ; je la vis sortir et elle passa du côté de la rue d’où je pouvais la voir plus longtemps. Je descendis un instant après. J’entendis soupirer la mère. J’entrai auprès d’elle pour la consoler. Alors cette abominable femme prenant un ton hypocrite, me dit en pleurant, en poussant des cris étouffes : « N’est-il pas bien malheureux de n’avoir qu’une enfant et de la voir aller chez les autres, de ne pouvoir la garder chez soi ! — Eh ! qui vous en empêche, madame ! — Ah, monsieur ! tout ce qui reluit n’est pas or, et je ne veux pas être à charge à mes amis ! — Ce que je pourrai, madame, est à votre service. Prenez mademoiselle votre fille chez vous, je me ferai un plaisir et un devoir d’être votre société. — Eh bien, monsieur, oui, prenons-la, nous lui donnerons mon second qui va être libre, nous le meublerons à nous deux ; je suis sa mère ; vous lui servirez de père… » Je consentis, j’applaudis à cette idée, sans concevoir