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LES DEUX CINQUANTENAIRES

dérèglement de l’imagination, plutôt que par un effet de la vivacité de leurs sens. La tendresse est le sûr moyen de gagner une Française honnête, une Anglaise, une Allemande, une Polonaise, etc… Il faut une autre conduite avec les Africaines, et même avec les Espagnoles, quoique ces dernières se piquent de sentiment. Il lui présentait encore cette maxime, vraie jusqu’à un certain point dans sa première partie, mais qui l’est toujours dans la seconde : Dans la jeunesse, on va au cœur d’une femme par les sens ; dans l’âge mûr, on va aux sens par le cœur.

Le matin, Parlis trouvant ce papier tout écrit, il le cacheta, et renvoya à M. de Blémont, sans y rien changer. Mais ce fut peine inutile : le caractère de cet homme, relativement aux femmes, était absolument inconnu à son ami, qui ne se doutait pas même, qu’il fût possible de considérer si peu un sexe, auquel seul nous devons notre bonheur réel. Né en province, où les femmes ne sont pas adulées, mais considérées solidement, il ignorait apparemment, que dans les grandes villes, on leur marque trop de considération, on leur laisse un empire trop absolu, pour que cela soit sincère de la part des hommes ; on les amuse de respects, comme des enfants de joujoux, et au fond on méprise l’idole ; on regarde les femmes comme des folles qu’on ne veut pas contrarier, qu’on laisse se croire reines, souveraines, mais que dans la réalité, on traite comme de viles esclaves, jusque dans la chose où la nature et notre climat avaient établi qu’elles commanderaient. C’est ainsi que l’équilibre se rétablit, en dépit de la mode et des ridicules, idées qu’accréditent journellement les célibataires, pour se faire admettre auprès des belles qu’ils veulent séduire. M. de Blémont vint chez Élise, et sans égard pour ce que lui avait marqué Parlis, le regardant comme un bonhomme qui ne connaissait pas les femmes, il le prit, avec la jeune personne, sur un ton encore plus leste. Mais Élise qui avait résolu de le réprimer efficacement, sans néanmoins réconduire tout à fait, après l’avoir écouté, prit un air froid et sérieux, qui le glaça. Elle garda ce ton avec lui durant tout l’entretien, pour lui prouver que le sien n’était pas ce qu’il fallait avec