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LA DERNIÈRE AVENTURE

dévoué, comme il l’était, à ceux qui avaient une fois gagné son estime, il regardait les torts de celui-ci comme un effet de l’humaine faiblesse. Il attendit, pour le juger, l’entrevue qu’il devait bientôt avoir avec lui.

Dans l’intervalle, il tâcha de remettre Élise, en l’assurant que tous les hommes ressemblaient à M. de Blémont, et que chercher un amant, un époux comme ceux des romans, c’était courir après une introuvable chimère. « Mais, lui répondit la jeune personne, je croyais qu’il serait comme vous ; et vous êtes un être bien réel ? — Il est vrai ; mais peut-être avec une meilleure santé, plus de jeunesse, plus de fortune, ne vaudrais-je pas mieux que les autres, et que les autres me valent bien ; leurs défauts viennent des causes extérieures, et leur cœur vaut le mien. » Élise sans doute ne trouva pas ces raisons excellentes ; mais enfin elle ne répliqua pas, et Parlis, comparé aux autres hommes, ne lui en fut que plus cher : elle aurait préféré auprès de lui la fonction pénible de garde-malade, aux fêtes et aux bals avec un autre.

Le lendemain. M. de Blémont écrivit à Parlis, et lui marqua, au sujet d’Élise, des choses qui prouvèrent à ce dernier, que sa jeune amie ne s’était pas trompée. Il fut révolté de sa lettre. Elle lui donna du chagrin ; il avait résolu de n’y pas répondre ; il se mit au lit dans cette pensée ; mais, au milieu de la nuit, il lui vint des idées qu’il crut heureuses ; il ne voulait pas les perdre ; il les coucha sur le papier ; il y faisait des remontrances à son ami sur ses écarts ; il y prenait la défense de la vertu des femmes, et il lui faisait une observation très juste et très sensée ; c’est que les conteurs français, comme La Fontaine, et quelques autres, qui ont copié les auteurs italiens, se sont lourdement trompés au sujet de leurs belles compatriotes, pour le physique de l’amour. Ils les ont représentées sous des couleurs qui ne conviennent qu’aux femmes des pays chauds, et qui ne sont vraies, en France, que pour le demi-tiers des femmes au plus. Si l’on en trouve quelques-unes dans les grandes villes, qui ressemblent aux Italiennes, ce n’est qu’en apparence, et par un