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LA DERNIÈRE AVENTURE

et les malices amusent mais qui, devenues vieilles, n’ont plus que le désagréable de leur traîtreux caractère. Cléopàtre, gâtée par Antoine, faisait dissoudre une perle dans du vinaigre et l’avalait, quoique sans suc et sans saveur, par un bizarre caprice de prodigalité ; nous voyons de même tous les jours des courtisanes prodiguer par fantaisie le fruit de leurs charmes et de leur jeunesse, parce que les hommes se sont amusés de leurs caprices, de leurs colères, de leur folie, comme on s’amuse de la fureur de deux coqs que l’on fait battre. N’ai-je pas vu un jour, une de ces infortunées, à qui un amant titré avait donné une maison de campagne, faire mettre en un jour pour mille écus de fleurs dans son jardin et s’amuser, le lendemain, à les fouler aux pieds. Elle sautait sur les tulipes les plus rares quand son amant arrivait. « Monsieur le D…, lui dit-elle, j’ai fait mettre hier ces fleurs dans mon parterre ; mais ce matin, je me suis aperçue que les insolentes voulaient me le disputer en éclat et en fraîcheur, elles avaient fait cette nuit la plus belle toilette, pour briller, à mon préjudice, par leurs belles couleurs et vous rendre infidèle ; moi, je leur fais voir qu’on n’est pas impunément ma rivale : si jamais vous m’en donniez une de mon espèce, je la traiterais comme ces roses, ces tulipes, ces œillets, je vous en avertis, et pis encore. » Le D… se mit à rire. Il trouva cette folie charmante. Il y applaudit et rendit au double la dépense à sa maîtresse… O fous ! qui empoisonnez la source de votre bonheur et qui vous étonnez après d’être malheureux ! ne sentirez-vous jamais qu’elle n’existe que dans les femmes et qu’il faut l’épurer, cette source divine, si vous voulez goûter de vrais plaisirs[1]… Mais comment faire

  1. Ces réflexions de Parlis étaient d’accord avec la façon de penser, juste et raisonnable à l’égard des femmes : elles rentrent dans la doctrine constamment exposée dans les Contemporaines, qui est, que les femmes doivent être également subordonnées et considérées ; qu’on doit les traiter avec de tendres égards, les respecter, comme les dépositaires de la génération future, en même temps qu’on les oblige à se tenir à la seconde place : ce n’est pas, comme le prétendent certaines pies grièches, et les célibataires, plus condamnables qu’elles, pour tyranniser le second sexe, mais pour le préserver : son imagination, toujours jeune, le porte trop facilement aux extrêmes, pour qu’on lui