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LA DERNIÈRE AVENTURE

(Ah ! Qu’on me donne une âme sensible qui ait aimé, pour connaître, pour sentir l’excès de mon bonheur à cette lecture ! …)

Il y avait sur l’adresse qui était la mienne, maman le sait, mais je ne m’en aperçus pas, et j’observai en lisant de changer le tutoiement en vous.

Je l’avouerai, cette lettre si tendre, qui portait si bien l’empreinte de la véracité, fit nager mon cœur dans une joie délicieuse ! Je me crus sincèrement aimé ; je n’eus pas le moindre doute. Aimable Sara, pensais-je, mon bon génie t’a destinée à me donner tous les plaisirs !…

La semaine qui s’écoula m’ennuya infiniment. Je désirais Sara avec une inconcevable ardeur. On s’en aperçut apparemment. Sara revint au milieu de la semaine ; mais elle ne resta qu’une demi-journée. Elle monta me voir en m’annonçant qu’elle allait repartir. Ma joie et ma douleur parurent presque simultanément. Sara me consolait par ses tendres caresses. « Cesse, lui dis-je, chère amie, ou tu ne feras qu’augmenter mes regrets. » Elle partit et, à l’instant où je rentrai, je trouvai sous ma porte le billet suivant ;

Deuxième Lettre

Mon cher bon ami : Tu m’as l’air inquiet, rêveur, chagrin ? Dis-moi un peu ce que tu as ? Est-ce parce que je m’en vais ? Non, sans doute, tu aurais grand tort ! Ce n’est que mon corps qui va disparaître. Pour mon cœur, je le garde pour maman et pour toi ; oui, pour toi, mon papa, pour toi seul. Adieu, mon retour au plus tôt possible. Tâche un peu de t’égayer, sans quoi je te bouderai à mon retour à la maison.

Ce fut à l’occasion de ces deux lettres ravissantes pour un amant (et un amant de mon âge), quoiqu’elles ne soient pas des chefs-d’œuvre, que j’offris à Sara de lier une correspondance qui la formerait au style épistolaire.

C’était le jeudi qu’était venue Sara ; je n’eus que deux jours à l’attendre.

À son arrivée, le samedi soir, nous lui annonçâmes qu’elle ne