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D’UN HOMME DE QUARANTE-CINQ ANS


RÉPONSE

J’ai reçu votre lettre, monsieur, le 39 janvier, par laquelle j’apprends que vous vous promettez d’êTre bientôt de retour à Paris. J’espère très fort que ce n’est pas pour moi, ou du moins je vous y engage, car vous ne pouvez pas ignorer que lorsqu’on a manqué à une personne de mon sexe, on ne doit plus se présenter devant elle, surtout quand elle a fait un choix !

P.-S. — Je prie M. Boyer de faire tenir ces deux mots à l’auteur de la lettre ci-incluse.


Je fis beaucoup de réflexions sur la lettre de du Chàtaigner ! Je savais que Sara l’avait aimé ; cet écrit achevait de m’en convaincre, et j’avoue que je fus surpris de la dureté de la réponse. Cependant, et je l’avoue avec confusion, j’en fus flatté ; je crus, oui, j’eus la folie de croire qu’à l’âge de quarante-cinq ans, la tendresse que j’inspirais avait fait oublier un jeune homme de vingt-cinq… C’était le comble du délire ; mais voilà comme nous sommes tous prévenus en notre faveur, c’est au malheur à nous détromper, en nous remettant à notre place… Cependant je tremblai pour moi, lorsque je fus prié par Sara d’envoyer le paquet qui devait renfermer ces deux lettres à l’ami du pauvre du Châtaigner. Je le promis, mais avec l’intention de les garder, ne croyant pas qu’il fût à propos de remettre de pareilles armes entre les mains d’un jeune homme avec qui l’on rompait. En montrant cette lettre il aurait fait à Sara un tort irréparable. Mais ces libertés que je voyais qu’avait prises du Châtaigner, ces jolis doigts qui s’occupaient à faire un chef-d’œuvre, ce que Sara m’avait confié, certain rapport de deux petites commissionnaires qui venaient pour moi dans la maison, tout cela me donna l’espérance d’obtenir des faveurs sans avoir à me reprocher la corruption de l’innocence. Il semble, d’un côté, qu’une fille lorsqu’une fois elle a succombé aux attaques des hommes, est moins à ménager ; tandis que de l’autre elle excite davantage une coupable volupté. Ce fut ce que j’éprouvai très vivement et,