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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/246

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LA DERNIÈRE AVENTURE

dames, qu’il n’est offensé du style, auquel cependant il n’est point accoutumé dans la société. Il n’en est pas moins le partisan de ces dames, et ses sentiments sont si honnêtes et si purs, qu’ils n’offenseront jamais personne. Fifille est, et sera toujours chère à son papa, à moins qu’elle ne devienne différente de ce qu’elle est, c’est-à-dire l’ennemie de son papa qui la chérit et la respecte autant qu’elle mérite de l’être. Il se flatte que ces dames le dédommageront de la privation qu’elles lui font éprouver demain. Cette espérance seule peut le consoler de l’indifférence du billet qu’il reçoit.

« Il assure ces dames de son respect et de son dévouement. »

(Sans signature.)

La mère de Sara parut blessée de l’anonyme de cette lettre. Elle s’emporta contre de Lamontette, qu’elle traita d’incivil ; et le lendemain, en présence de sa fille, elle alla plus loin encore : mais j’ai lieu de croire que cette colère était feinte. Je me donnai alors un tort impardonnable ; je m’emportai une seconde fois contre Sara, devant sa mère, et je lui reprochai durement tout ce qu’elle avait fait pour m’attacher. Elle garda le silence ; elle n’avait pas encore l’effronterie des filles de sa sorte, et mon cœur fut touché de sa patience, toute forcée qu’elle était. Mon emportement avait été fort loin ! Je remontai, résolu de ne la plus voir. À midi, je trouvai cette lettre :

« Monsieur, si, comme vous l’avez dit, vous êtes à même de me déshonorer, je vous le permets. Cependant, je ne sais à quoi cela nous conduirait l’un et l’autre : à vous décrier vous-même ; et moi, à croire que réellement vous me voulez du mal. Votre conduite, en ce cas, me surprendrait autant que les discours que vous avez tenus ce matin. Vous avez dit que j’étais fausse, que je n’avais que de fausses vertus ; que j’avais menti à votre égard l’estime et l’attachement, pour vous tromper ensuite de la manière la plus cruelle, en m’attachant au bout de trois jours à un nouveau venu. Vous m’avez fait ces reproches avec l’emportement de la fureur. Ha ! cela m’a surprise, et devait bien me surprendre, de la part d’un homme qui m’a tant de fois juré de m’aimer pour moi-même : « Je voudrais connaître, m’avez-vous dit cent fois, un homme qui vous rendît plus heureuse que moi ; j’irais vous le chercher ! » Voilà votre langage ; aujourd’hui, c’est la jalousie et l’emportement. Allez, monsieur, malgré que vous ayez dit que je suis fausse, je ne l’ai