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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/257

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D’UN HOMME DE QUANRANTE-CINQ ANS

complet suivit. On m’assura qu’elle était sur le point de rompre lorsque je m’étais éloigné ; que bientôt Sara serait lasse de son malotru, etc. (c’est le mot de la mère). Elle me cita ensuite différents traits d’ingratitude de sa fille. J’en savais autant qu’elle là-dessus. Elle la traita de monstre cinq ou six fois. Elle m’assura qu’elle avait tous les papiers nécessaires pour la faire renfermer, quand elle voudrait, pour des choses infâmes dites contre elle ; que son mari lui en avait donné plein pouvoir, d’après les calomnies de cette fille dénaturée, et sa conduite avec l’avocat Blondel. (Sara qui m’en avait parlé, n’en dit rien dans son écrit : la mère aurait-elle raison ?) En sortant, je conseillai à Mme Debée de hâter la crise, en laissant sa fille chez mon rival : l’assurant que je reviendrais à elle, quand ils seraient absolument indifférents l’un à l’autre… Et la brute crut que ce langage de la rage était celui de la sincérité.

Après l’avoir quittée, je cherchai de la dissipation ; je repris mon ancien usage, d’aller voir les belles, et je ne me trouvai pas insensible à ce genre de plaisir. Mais dans l’après-dînée, mon pauvre cœur tomba dans un plus grand affaissement que jamais. Je remarquai, mais trop tard, qu’il y a cette différence entre un jeune homme et un presque cinquantenaire, que la dissipation distrait le premier, et que souvent elle ne fait qu’aggraver les peines du second. Je pleurai, malgré moi, en me promenant, en voyant des amants unis, qui se tenaient sous le bras, qui se souriaient ! … Il me vint en ce moment une belle réflexion ! Ce n’était plus Sara que j’aimais ce jour-là ; je la voyais avec mille défauts ; c’était le bonheur dont elle m’avait fait jouir ; sa personne, j’ose le dire, m’était indifférente : l’ancienne Sara m’était chère encore ; la nouvelle ne m’était plus rien.

Le lendemain, en sortant de chez moi, je pris par la rue de cette Sara. « Je m’en repentirai ! » me dis-je en moi-même. À peine y eus-je fait quelques pas, que j’aperçus la mère à la fenêtre, et dans le même instant, Sara elle-même qui sortait avec Florimond. Je les saluai : Sara me le rendit froidement. La mère m’appela, lorsque je passai. Je montai auprès d’elle. « Savez--