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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/274

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LA DERNIÈRE AVENTURE

« Ce n’est rien, me dit-il, que cette maladie, à vingt ans. » Il me rassura par d’excellentes raisons, et me pénétra de la joie la plus vive, la plus pure que j’aie jamais sentie… Je revins encore plus vite que je n’étais allé.

À mon retour, je trouvai Sara dans notre chambre. « Chère amie ! lui dis-je, rassure-toi comme je le suis : ta maladie ne sera rien. » Mes gestes animés, mon action ; ses mains tendrement pressées dans les miennes, l’effroi que sa mère lui avait causé et que je détruisais, l’amour de la vie, enfin, l’émurent au point qu’elle reprit d’elle-même avec moi le ton d’il y avait onze mois ; elle me tutoya, ce qu’elle ne faisait plus depuis sa parfaite liaison avec Lamontette ; elle me dit les choses les plus flatteuses ; elle me donna ces noms de tendresse, si doux à entendre, quand ils sortent de la bouche que l’on aime. Je me trouvais heureux, d’autant plus heureux, que depuis sa maladie, elle m’était plus chère que jamais.

Le lendemain, nous allâmes ensemble chez le docteur. Le même soir, Sara ne me tutoya plus. À peine rassurée sur sa vie, elle ne me témoigna plus que sa froideur ordinaire. J’en fus frappé ; j’en fus blessé, et j’en revins à ma résolution, déjà prise, de la quitter, dès qu’elle serait complètement rétablie… Je continuai mes soins.

Dans ce même temps, lecteur, elle me faisait la trahison la plus horrible. Sa mère avait renoué avec Lamontette, dans l’espérance que, par son crédit, elle aurait une place pour Florimond, qui lui était à charge depuis qu’il n’avait plus rien. Lamontette avait trop de bon sens pour placer un ivrogne abruti, incapable. Il promit, mais il ne réalisa pas, et sut éluder les demandes. Ce fut alors que la mère de Sara lui fit sérieusement entendre qu’il ne fallait pas qu’il revint. Elle l’assura qu’il était la cause de la maladie de sa fille, et qu’il la ferait périr. Il fut convenu entre eux qu’il viendrait une fois en huit jours d’abord ; ensuite une fois en quinze ; et qu’enfin il cesserait absolument. « J’ai envie de la marier, ajouta-t-elle, et vous y seriez un obstacle. » Lamontette promit tout ce qu’on voulut, et la mère compta sur