Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
68
LA DERNIÈRE AVENTURE

avait toujours agi avec elle, avait excité la confiance de cette jeune personne, elle n’avait plus rien de caché pour lui. Elle attendait avec impatience le moment de le revoir pour lui faire part de son entretien avec M. de Blémont, et lui déclarer nettement ses sentiments. Ils étaient dictés par la raison. Élise, toujours la même, se serait encore donnée, persuadée qu’un mari libertin ne l’est plus avec sa femme, mais elle désespérait de pouvoir amener M. de Blémont à conclure, sans un préalable aussi criminel que dangereux. Car, même en cédant, elle n’aurait pas eu l’assurance qu’un tel homme se fut engagé. Quel fond peut-on faire sur celui qui ne respecte rien ; qui, non content de s’élever au-dessus du préjugé, croit ne pas aller assez loin, s’il ne brave aussi les lois les plus nécessaires et s’il ne va jusqu’à outrager la nature ? Un tel homme ne mérite aucune confiance, et si quelquefois il a montré des vertus, elles font l’effet ou de vues intéressées ou d’un caprice du moment ou de la vanité, etc. « Ne comptez plus sur M. de Blémont pour moi, dit Élise à Parlis, s’il n’était pas votre ami, s’il n’avait pas votre estime, je le regarderais comme un lâche suborneur qui aurait cherché à profiter de votre confiance et de ma crédulité pour me deshonorer et me rendre mille fois plus à plaindre que je ne le suis. » Et voyant que Parlis marquait de l’étonnement, elle lui détailla, sans presque rien omettre, tout ce qui s’était passé. Elle n’oublia pas la singulière preuve de non répugnance que M. de Blémont avait voulu exiger, les propos plus que libres qu’il lui avait tenus à cette occasion, jusqu’à lui faire entendre qu’il fuirait une femme dont les détails n’auraient pas certain assaisonnement de volupté qu’il désirait.

Ce coup était le dernier qui pouvait être porté aux sentiments de Parlis pour M. de Blémont. Il ouvrit les yeux ; il vit dans son ami un homme qui avait méprisé sa pauvreté, qui l’avait cru capable de s’avilir, qui peut-être lui avait supposé des vues intéressées. Son imagination ardente s’embrasa ; il frémit de colère, et dans un premier mouvement, il jura le mépris à l’homme qui le traitait en méprisable courrier. Mais il résolut de garder le silence