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LA DERNIÈRE AVENTURE

Après avoir écrit cette lettre et l’avoir lue à Elise, Parlis la cacheta et sortit pour la mettre lui-même à la petite poste. Comme il entrait dans un bureau, il aperçut M. de Blémont qui venait sans doute chez Élise : il fit en sorte de ne pas être vu de son ami, qu’il laissa passer ; mais il garda sa lettre et revint sur ses pas. Il trouva M. de Blémont avec la mère d’Élise. La jeune personne était présente : son air était enjoué, elle ne redoutait plus rien de M. de Blémont et elle était ravie de l’arrangement pris avec Parlis. Son enjouement et sa gaieté la rendaient encore plus aimable. M. de Blémont ne savait que devenir ; son goût revenait avec force, mais il ignorait si la gaieté qu’il voyait était causée par le plaisir qu’on avait de le revoir ou si elle avait un autre motif. Cependant il fut à la fin tenté de croire ce qui le flattait davantage. Elise lui disait des choses obligeantes ; c’est qu’elle ne s’intéressait plus à lui, elle n’avait plus rien à en craindre ni à en espérer, pourquoi aurait-elle tenté de le corriger ? Il demanda un entretien particulier dans la ferme persuasion que ses affaires ou ses desseins avec Élise allaient prendre une tournure favorable. La mère d’Élise y consentit. Mais la jeune personne déclara qu’elle n’avait rien à entendre qu’en présence de sa mère. M. de Blémont fut très surpris de ce langage ; il insista. « Non, monsieur, répondit Élise ; si vous aviez retardé votre visite actuelle d’un jour, de quelques heures même, vous auriez su la raison de ma conduite, mais j’espère qu’à votre retour chez vous, une lettre vous instruira. — Une lettre ! Mademoiselle ? — Oui, monsieur. — De vous ? — Non, je n’écris pas ainsi aux hommes ; elle est de M. Parlis. — De vous, mon ami ? — De moi-même, la voilà ; je vous la remets en main propre. — Ah ! voyons… si madame et mademoiselle le permettent ? » La mère d’Élise ayant fait un signe d’approbation. M. de Blémont brisa le cachet et changea de couleur dès la première ligne. Cependant il ne s’interrompit point, il continua sa lecture, qui fut très longue et pendant laquelle Parlis remonta chez lui. Après avoir lu la lettre et l’avoir méditée (car on s’apercevait qu’il recommençait plusieurs passages), il parut fort in-