Page:Restif de la Bretonne - Le Palais-Royal, éd. d’Alméras.djvu/18

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y paraît une fête, chaque nuit une décoration, chaque heure un nouveau plaisir, et les jeux s’y multiplient pour compléter les amusements …

« Femmes aimables ; femmes qui veulent l’être ; hommes d’ affaires ; hommes qui n’en ont point ; gens qui en attendent ; gens qui se ruinent : gens qui s’enrichissent ; tout s’y rend en foule, tout s’y trouve sous toutes les formes et toutes les couleurs.

« Lieu ravissant ! Voit qui veut, achète qui peut. Que de jolies marchandises exposées aux yeux des promeneurs ! Que de précieux colifichets proposés par les femmes les plus engageantes ! Que de modes qui naissent et vieillissent dans vingt-quatre heures pour réparer les méprises de la nature ou pour doubler ses agréments ! Que d’ appâts délicatement préparés pour les amateurs et les curieux ! »

Ces amateurs et ces curieux, ils doivent montrer patte blanche. N’entre pas qui veut au Palais-Royal. Des Suisses, à la livrée du roi (1)(1) Il y en avait un à chaque vestibule. Ils étaient en même temps marchands de vin. Celui qui avait son poste près de la principale entrée des Petits Beaujolais s’appelait Cudri, dit Fribourg. Son fils était un des premiers violons des Petits Beaujolais. , veillent aux portes et interdisent rigoureusement le passage aux soldats, aux laquais, aux servantes, aux personnes qui ont une veste ou un bonnet, aux écoliers, aux polissons, grooms ou petits pâtissiers ou marchands d’oubliés, aux gens sans aveu, à ceux du moins qui ne paient pas de mine, aux ouvriers et aux chiens. Le plus honnête homme du monde, s’il se présente en costume trop négligé, ne sera pas admis dans cet immense salon en plein vent où abondent d’ailleurs les escrocs bien vêtus.

La plèbe qui travaille, peine et vit au jour le jour, n’a pas sa place dans ce minuscule royaume des falbalas, des fanfreluches et des colifichets. Les marchandises de luxe y sont si nombreuses