Page:Restif de la Bretonne - Mes inscripcions, éd. Cottin, 1889.djvu/159

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le mérite de Sara, et voici comme il me répondit : « Je suis riche et le plus malheureus de tous les hommes ; mon cœur est mort. Mlle Saint-Leu[1], qui vit avec moi et tient ma maison, est une furie : je voudrais une fille jeune, sensible, tendre, infortunée, comme vous me peignez votre amie, qui ranimât ma nullité ; elle serait ma fille et mon héritière. . . »

Voilà ce que me dit Dumont. Et voici comme il s’exprima, en parlant à Sara elle-même : « Je veux une fille qui me donne du plaisir ; qui ne jouisse pas froidement, comme certaines femmes : ma belle, avez-vous du tempérament ? Venez m’en convaincre sur le pied de votre lit ! » Croirait-on qu’un Parisien, un ancien premier commis de M. de Silhouette[2], ait pu tenir un pareil langage à une fille qui ne l’avait point recruté au coin d’une borne !
Je fus doublement blessé, je le suis encore, et je le serai jusqu’à mon dernier soupir contre cet homme méprisable[3].


    20,000 francs à madame Debée mère, pour devenir le père de Sara.

  1. Agathe Saint-Leu (Sanloci dans Monsieur Nicolas), gouvernante de Butel-Dumont dont elle était la cousine. Il l’avait pour faire les honneurs de sa maison. Elle est l’héroïne de la seizième Contemporaine, le Mariage caché.
  2. Contrôleur général des finances en 1759.
  3. Voir Monsieur Nicolas : Quatre entrevues ont lieu. Dans la première, Butel-Dumont, présenté à Sara, la trouve charmante. Dans la seconde, sa conversation, pleine d’ « images peu décentes », la révolte. Dans la troisième, il continue à chercher, par les sens, le chemin du cœur de Sara. Elle prend un air froid, rompt l’entretien, et revient auprès de sa mère. M. Nicolas la console en lui affirmant que la plupart des hommes sont comme Butel-Dumont. Dans la quatrième entrevue, celui-ci parle intérêt. Sara répond franche-