Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/100

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Ma septième année s’accomplit enfin[1]. J’étais

    de la maîtresse de la maison elle-même avaient instruit dangeureusement la jeune personne : effrayé, ne pouvant reprendre sa fille, il réfléchit douloureusement sur ce qu’il avait à faire. Rien ne se présentait à son imagination troublée. Il consulta J.-J. Rousseau, qu’il connaissait et qu’il voyait souvent. — « Achevez vous-même d’instruire votre fille, » lui répondit le Citoyen de Genève ; « dites-lui tout, mais en médecin ; parlez physiquement ; détaillez, et la conception, comme elle se fait, et la grossesse, et ses incommodités ; dite comment se nourrit le fœtus. Parlez ensuite de l’accouchement, et sans trop effrayer son imagination, présentez-lui ces détails dans une vérité qui éteigne la passion ; il n’est rien qui éloigne plus les idées amoureuses, que les suites essentielles de l’amour. Étendez-vous sur la nécessité de donner le sein de leur mère aux enfants ; n’oubliez pas les ravages du lait ; citez-en des exemples ; il en est tant à Paris ! Enfin, allez jusqu’à dire quelque chose de la redoutable syphilis, mais avec les ménagements convenables. Votre fille s’impatientera de ces détails (car le but serait manqué, s’ils ne l’impatientaient pas) ; elle vous en demandera grâce : vous cesserez alors ; mais soyez sûr que, dans la pension, elle n’écoutera plus les entretiens obscènes ; ils ne lui donneront que du dégoût ; vous leur aurez ôté leur charme le plus fort, celui de la curiosité ; elle en saura plus que tout le monde, et elle joindra deux idées, qui se serviront de contrepoids, celle du voluptueux embrassement, et celle des cris d’une femme en couches. Avant que cette dernière s’affaiblisse, comme dans nos femmes, votre fille sera sauvée. Mais je ne vous cache pas que dans ce remède extrême, il entre du poison, qui laissera des traces ; votre fille ne sera plus aussi heureuse, aussi pure, qu’elle l’aurait été sans les discours obscènes ; vous ne serez parvenu qu’à l’empêcher de se perdre… »


    « Le Père suivit à la lettre ce conseil, et l’effet qui en résulta fut précisément celui que le philosophe avait annoncé. » (Lettres sur J.-J. Rousseau, par L. B. D. P.)

  1. Je n’étais plus fils unique du second lit, depuis deux ans : il m’était né deux sœurs jumelles. Je ne me rappelle