Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/101

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toujours ami de M’lo Bérault : je ne soupçonnais pas même son improbité, ou plutôt sa gourmandise, qui lui fit dévorer à lui seul la récolte de notre champ commun. Un jour que je fus le prendre, pour aller à l’école, sa mère nous dit : — « Mes enfants, vous avez aujourd’hui sept ans ; car vous êtes nés le même jour, et presque à la même heure. Vous v’ié en êge de pécher, ét de pèdre vout’innocence ; enllieu que d’vant, vou’n’péchîns pâ encoi, faute d’raîhon : i’faû’, à ç’t’heuhe, ête bin séges tous les deux. » M’lo écouta cette leçon, qui en valait bien une autre, avec stupidité. Quant à moi, elle m’effraya ! J’étais charmé d’avoir sept ans, et de me trouver un être raisonnable ; mais l’idée du péché, dont ma mère me donnait de l’horreur par ses entretiens, me chagrina beaucoup ! Je sortis de chez la mère Bérault la larme à l’œil. Pénétré de respect pour ma nouvelle raison, j’avais l’air modeste et contrit d’une petite fille qui fait sa

    pas d’avoir eu aucune idée de la grossesse de ma mère ; ce qui marque sa modestie. Ce jour-là, on m’envoya chez ma nourrice : ce qui me surprit beaucoup ! car j’en revenais, et l’on avait coutume de me gronder, quand j’y allais sans permission. À mon retour, je vis deux enfants, qu’on me dit être mes sœurs. Je fus émerveillé ! et je fis une foule de questions, auxquelles on ne me répondit pas. Ma tête se creusa, pendant toute la soirée. Je voyais ma mère malade : je croyais que c’était de lassitude. Pour mon père, qui agissait, je savais qu’il était plus fort. Car j’imaginais qu’ils avaient fabriqué ces deux enfants, dans la journée, avec leur sang et leur chair. Le comment, je l’ignorais.