Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lorsque j’entrais dans quelque maison, et que je voyais les chaussures des fêtes rangées en parade, comme c’est l’usage, je palpitais de plaisir : je rougissais, je baissais les yeux, comme devant les filles elles-mêmes[1]. Avec cette vivacité de goût, et cette volupté d’idées, inconcevable à l’âge de dix ans, je fuyais, par un sentiment involontaire de pudeur, ressemblant beaucoup à celui naturel aux jeunes personnes, ces filles que, nouvel Anacréon, j’adorais jusque dans leur insensible parure ! Trompés par mon extérieur, deux vieillards, M. Restif,

    deux femmes, entre les autres, dont la beauté du pied et de la jambe étaient la perfection : la première est Rosette, de la rue des Fossés-St-Germain, qui a longtemps servi de modèle aux élèves d’un peintre fameux ; la seconde, c’est la jolie Harris, fille d’un layetier, rue de la Vieille-Bouclerie. Des circonstances particulières m’ayant mis en relation avec ces deux femmes, je me suis convaincu qu’elles avaient, de la tête aux pieds, un degré de beauté peu commun, præsertim ad mammas et ad concham Veneris ; cujus venustas præcellebat super quasquas venustates quæ vidi possunt in cæteris mulieribus. Elles n’étaient pas belles de visage, mais elles étaient infiniment aimables. Leur pied n’était pas le plus petit, mais le mieux fait possible : loin qu’il déformât leur chaussure, l’on aurait dit, au contraire, qu’il la perfectionnait. Ce sont les pieds petits, ronds et courts, qui seuls indiquent un barathre… Et qu’on ne l’oublie pas : ce sont les barathres qui facilitent la jouissance à la jeunesse nouvellement pubère.

  1. Ayant vu, dans la suite, à Courgis, une jolie chaussure, chez un cordonnier, et quelqu’un ayant dit qu’elle était à Jeannette Rousseau, je rougis, et fus prêt à m’évanouir… J’adorai les chaussures de Mme Parangon…