Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/112

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de Noyers, grand-père des Restif de Grenoble[1], et mon Cousin Droin, des Villages de la rivière, me voyant, aux moindres louanges, baisser de grands yeux à longues paupières, dirent à mes parents : « C’est une fille modeste que votre fils ; êtes-vous sûrs de son sexe ? » Je crois que les hommes les plus violemment portés pour les femmes[2], ont tous, dans leur jeunesse impubère, la même timidité, la même pudeur, les mêmes goûts factices : c’est qu’ils sentent déjà ce que les autres ne sentent pas encore. Aussi doit-on regarder la fille la plus pudente, la plus rougissante, comme la plus disposée aux plaisirs de l’amour… Une observation va confirmer la vérité du motif de mon impuissance, qui me faisait fuir devant les jolies filles : c’est que je n’évitais ni les vieilles, ni les laides, et que je ne rougissais pas avec elles d’être mal habillé, ou de tomber dans une faute. Souvent les plus laides de Sacy s’avisaient de me poursuivre. Je restais. Elles en témoignaient leur étonnement ! et tout le monde en concluait que j’aimais les vieilles et les laides. J’ai entendu mon père lui-même s’étonner de la bizarrerie de mon goût, et en redouter la déprava-

  1. Je n’ai vu qu’une fois ce cousin, qui avait le germain sur mon père ; c’est le même dont il question dans sa Vie, publiée en 1779.
  2. Ob amplitudinem testiculorum, longitudinemque gracilis veretri… Et telle fut aussi la cause de cet indomptable érotisme, qui tourmentera les plus belles années de ma vie.