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1746 — MONSIEUR NICOLAS

sur son libérateur : car, quoiqu’elle fût bonne et douce, quand elle n’avait pas sa peau, dès qu’elle en était une fois recouverte, elle ne cherchait qu’à déchirer : ce qui ne la rassasiait pas ; tout ce qu’elle dévorait étant bête, passait dans la peau du Diable, sa tête et ses pattes ; car cette peau étant chair, il lui faut de la chair, pour la nourrir ; et le Diable, qui ne mange que de la chair humaine, ne peut dévorer les hommes et les enfants que comme cela, par le moyen des excommuniés. Et quand il n’y en a point, il est réduit à manger… ce que nous avons démangé… Le Gentilhomme se sut bon gré d’avoir apporté sa dague ; car il ne savait pas que ce n’était que pour le faire sortir, que le gros serpent avait fait semblant d’avaler la Fille ; il n’en avait pas le pouvoir. Le voilà donc qui se met à se défendre avec sa dague, si bien et si adroitement (par malheur !) qu’il coupa une patte de devant à la levrette…

Aussitôt que le sang eut coulé, la peau tomba ; et ce ne fut plus une bête, mais une grande et jolie Fille, qui poussa un soupir, en disant : — « Ha ! discourtois Chevalier ! tu m’as coupé le bras ! » Et elle perdait tout son sang. Voilà le Gentilhomme bien fâché. Il déchira son linge, pour en faire des compresses, afin d’étancher le sang ; mais jamais il ne le put, qu’au moment où la Blonde s’évanouit. Se voyant alors un peu de tranquillité, il se mit à dire : — « Ha ! si j’avais donc un moyen de la sauver ? » Et il lui sembla, que s’il tuait le serpent, sa graisse guérirait la blessée. Il voulut ouvrir le coffre ; mais il ne le put… Il prit le parti de le traîner dans le feu, afin de brûler le serpent. Et aussitôt que le coffre fut échauffé, le reptile se mit à jeter des cris d’homme. Pour quoi le Chevalier ayant vu une coignée, il brisa le coffre ; et il en sortit le petit Homme