Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/237

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noir, qu’il avait vu au commencement, lequel n’avait pas voulu souper, pour aller faire ses conjurations. Ses yeux étaient ardents comme du feu ; il sauta par une fenêtre basse, qu’il ouvrit en un instant, et disparut. Le Gentilhomme resta aussi embarrassé qu’auparavant ! mais comme la Fille était encore évanouie, et que son sang ne coulait pas, il vit la peau du serpent, qui remuait toute seule. Il la tira du coffre, avec une fourche de fer, et il en tomba deux petits paquets ; mais il n’y fit pas d’attention. Il se désolait, et se repentait bien d’être sorti de son coffre, contre ce qu’on lui avait recommandé ! Et il n’était pas sitôt jour : si bien qu’il allait voir mourir une grande et belle Fille, pour qui parlait son désir.

Mais voilà qu’il entendit hennir son cheval, et quant et quant, le bruit d’une marche. C’étaient le Seigneur et la Dame, qui arrivaient avec tous leurs gens. En voyant le Gentilhomme, qui venait de mettre la tête à la fenêtre, la Dame poussa un cri de joie, en disant : — « Je vais donc ravoir ma pauvre Fille ! » Mais quand elle fut entrée, et qu’elle la vit étendue devant le feu, un bras coupé, elle s’arracha les cheveux : — « Ô ma Fille ! ma chière Fille ! qui t’a donc si piteusement navrée ! » La belle Blonde, à ces mots, rouvrit les yeux, et son sang recoula : — « Ô ma chère Mère ! » dit-elle, « je vous ai désolée,… en voyant malgré vous… un homme,… qui ne vous plaisait pas… M’en voilà punie ;… car c’était… le Diable lui-même !… Pardonnez-moi !… ainsi qu’à ce Gentilhomme, qui m’a blessée… mortellement… Car il défendait sa vie… L’enfant qui a été étouffé au château,… et pour la mort duquel ou a publié et fulminé un Monitoire,… était de moi,… et non pas de la malheureuse servante,… qu’on a pendue ; c’est le Méchant… qui me l’a fait étouffer… Ainsi, j’ai été