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1746 — MONSIEUR NICOLAS

excommuniée, n’étant pas venue à révélation,… et couverte de la peau de Satan. » En achevant ces mots, qui faisaient dresser les cheveux à la tête, elle récita une prière, pour se recommander à Dieu ; puis elle baissa la tête, comme si elle avait été morte.

Le Seigneur et la Dame, bien dolens, jurèrent de faire pendre le Chevalier, qui, contre sa parole, s’était armé contre leur Fille, et n’avait pas religieusement suivi ce qui lui avait été recommandé. Mais auparavant, ils voulurent savoir qui il était ? — « Hélas ! » répondit le Gentilhomme, « je mérite la mort, et je me la donnerais, si vous ne me la donniez pas, tant je suis fâché d’avoir ôté la vie à cette Belle, qui me touche le cœur !… Mais mourir je veux, sans être de vous connu. — Qu’on le mène à la mort, et qu’aux créneaux soit pendu. » Et on le mena. Or son cheval ayant été en Terre sainte, y avait trouvé la parole de l’Anesse de Balaam, et la prophétie de son maître : c’est pourquoi il se mit à hennir, rompit son licol, et vint faire des ruades. Et comme déjà on mettait la corde au col de son bon maître : — « Maître, parle ! ou parlerai. » On s’arrêta bien étonné ! Alors le Gentilhomme ne pouvant se cacher : — « Du Poitou je suis ; j’ai été en Terre sainte, pour en chasser les Infidèles, et obtenir la rémission de mes péchés : ma mère est la célèbre Mellusine, qui est connue de tout le monde par ses belles actions ; et mon père est Gui de Lusignan. — Ha ! mon chier neveu ! » s’écria le père de la Blonde ; « jà ne m’avienne d’ôter la vis au seul rejeton mâle de ma Famille ! car je suis Lusignan, ainsi que toi ; c’est ton Oncle Alain de Lusignan ; et voilà ta Cousine misérablement expirée !… »

On revint dans la grande chambre, suivis du cheval,