Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/86

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mentama haine pour les hommes, et ce fut la première preuve administrée que les grandes personnes pouvaient se tromper, et devenir injustes. Découverte terrible ! les enfants ne devraient la faire qu’après l’entier développement de la raison… La mienne m’inspira de la défiance, au lieu de cette confiance aveugle que j’avais eue jusqu’alors dans les lumières de ceux qui avaient plus d’âge que moi. Douce erreur ! la première que j’aie perdue !… Je devais alors être à la fin de ma cinquième année, en Octobre ou Novembre, j’allais à l’école avec ma sœur Margot, sous maître Jacques Bérault, dont les cheveux étaient rouges et frisés. Cet homme travaillait à fendre de l’osier, ou à préparer des échalas, en faisant lire les plus jeunes enfants, dont il savait par cœur le Syllabaire Latin ; il les reprenait, lorsqu’ils épelaient mal, sans regarder sur leur livret. J’en étais au Pater, que je syllabais suivant l’ancien usage, en faisant précéder la plupart des consonnes par une voyelle qui les dénature. J’épelais noster, et je disais, enneoessetèerre : je pleurai, croyant qu’on se moquait de moi, en voulant me faire prononcer noster. Ceci commença d’indisposer maître Jacques. Mon pouce avait mangé deux jambages de lettres dans le mot tu-um : de sorte qu’il ne restait plus qu’un jambage du second u, et deux jambages du m : un peu de noir du jambage de l’u, formait un point à l’autre, et peignait parfaitement les deux mots tu in ; ce fut ainsi que j’épelai vingt fois de suite. Le maître me reprenait ; ma sœur et tous mes cama-