Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/90

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malgré les signes de sa femme, des calomnies,… que je ne dois pas rapporter… Je me plus assez chez ma sœur, à ce premier séjour, n’étant pas encore devenu absolument sauvage. J’allais à l’école sous M. Convers, beaucoup plus savant que maître Jacques. La tendresse de ma sœur, les caresses que je recevais de tout le monde, à cause de ma gentillesse, surtout chez M. Collet, notaire et juge, ancien ami de mon père, et qui avait plusieurs filles charmantes[1], me donnèrent alors les plus beaux jours de mon enfance. Il n’en sera pas de même au second séjour : mon caractère aura changé : j’aurai eu le temps de sentir mon existence et ma liberté sur le sol natal ; je m’y serai attaché ; j’éprouverai la tentation cruelle de la transportation : sentiment si douloureux, qu’il suffit pour retenir les hommes libres et les animaux dans le canton où ils sont nés. Devenu moins aimable, je me verrai moins aimé.

  1. Ce fut à ce premier séjour à Vermenton, que j’y fus vu et caressé par Celle que je nommerai par la suite Colette, et Madame Parangon : il est à présumer que ce fut dès lors qu’elle prit son premier goût pour moi. Je me rappelle confusément qu’elle avait un air angélique, qui me donnait plus de confiance en elle, que dans toutes les autres Belles. Elle avait alors douze ans : c’était sept plus que moi, et à cet âge, elle était déjà raisonnable, sensée et sensible. Ses caresses étaient tendres et touchantes, au lieu que celles des autres étaient de jeunes folles… Colette est la première qui m’ait baisé sur les lèvres, et j’éprouvais alors un doux frémissement. Je puis certifier néanmoins, que ses caresses n’ont porté aucune atteinte à mes mœurs, parce que jamais leur souvenir n’a excité, dans mes sens, un trouble voluptueux.