Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/89

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qu’il aurait dû faire pour m’instruire, et je le crus plus ignorant que ses écoliers. Ma sœur Margot, à notre retour, augmenta le mal, en jetant les hauts cris contre maître Jacques, et mon père lui-même, toujours si prudent, témoigna son mécontentement devant moi. Alors je m’avançai en enfant gâté, moitié pleurant, et je me mis à me plaindre. On ne se doutait pas que j’eusse entendu ; on me donna tort. — « Qu’est ceci ? » pensai-je. Et cette réflexion qui n’eut alors aucune suite, produira, dans quelques années, les plus funestes effets, en me découvrant trop tôt cette politique si dangereuse, que les petits esprits trouvent si nécessaire, de donner toujours le tort aux enfants. Je regardai les remontrances, même celles de mes parents, comme d’étiquette ; leurs reproches me parurent toujours exagarés exprés ; je ne les croyais pas sérieux la plupart du temps, et je me conduisais en conséquence.

Qu’on pardonne ces menus détails, nécessaires dans les commencements de mon histoire ; j’en dédommagerai par les faits des autres Époques.

Je fus mis, à cette occasion, pour la première fois, en pension chez ma sœur Anne, établie à Vermenton. Miché-Linard, son mari, était un personnage singulier, bizarre. Le tort qu’il fit a mon caractère, en parlant inconsidérément de mon père et de ma mère, a sans doute été irréparable ! Moi, qui les regardais comme des dieux sans défauts, je leur entendis attribuer des faiblesses. Miche, grand parleur, se plaisait à détailler devant moi,