Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/98

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Je m’en revins les larmes aux yeux et le cœur oppressé… Ah ! si j’avais été homme et roi, quelle guerre cruelle n’aurais-je pas fait aux brigands qui m’avaient ravi la récolte du premier champ que j’eusse semé !

L’école sonna. J’y allai : j’y vis M’lo, qui tint ses yeux collés sur son livre : j’étais trop franc pour le soupçonner ; je n’ai su la vérité que dix ans après… Cette malheureuse aventure me guérit pour longtemps de la manie de la propriété ; elle s’éteignit absolument en moi, pour ne renaître que fort tard.

1741 J’approchais de ma septième année. Je fus alors témoin d’une chose qui surprendra, et qui ajoute à la preuve que l’Espèce humaine, réunie en nombre, se corrompt à la campagne presque autant qu’à la ville ; sans compter que la corruption de celle-ci s’y communique, par les domestiques des deux sexes, par les miliciens, qui reviennent à leurs villages, après s’être corrompus au loin… Une douzaine de garçons, qui avaient le double de mes années, c’est-à-dire qui étaient à l’époque de la puberté, faisaient au soleil, à la porte Là-bas (celle d’Orient s’appelait la porte Là-haut), faisaient, dis-je, une montre, que je ne puis expliquer[1]… Je ne rapporterais pas ce

  1. Omnes, sine verecundia, mentulas exhibentes, ad retractionem præputii certatim ludebant. An ad emissionem usque seminis eruperunt, non potui, pro ætate mea, distinguere : sed erubescere vidi neminem.

    Ce fut dans le temps de cette montre, que je me rappelle d’avoir vu la fameuse comète de 1740 ou 41. J’entendis raisonner, à ce sujet, l’abbé Thomas, avec un autre séminariste d’Auxerre.