Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/137

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de sagesse, les autres femmes recommencèrent de m’inspirer des désirs ; et Marguerite étant continuellement sous mes yeux, ayant ce charme d’un joli pied, auquel j’étais sensible dés l’enfance, ce fut le désir de ses faveurs qui me dévora.

Cette bonne fille, qui mieux que moi-même lisait dans mon cœur, n’était ni une libertine, ni une dévote hypocrite ; c’était une âme droite, pure, excellente ; elle me traitait en mère : son cœur était sensible ; elle avait aimé, elle avait été aimée, sans aimer (car j’ai su qu’elle avait inspiré, dans son printemps, une si forte passion à un jeune homme, qu’i1 était mort d’amour et de regret de ne pouvoir l’emporter sur son rival, le père de Jeannette) : elle connaissait le sentiment nouveau qui m’agitait : aussi employait-elle envers moi les ménagements les plus, adroits et les plus obligeants. La différence de nos âges lui donnait de la sécurité ; sa conduite d’autrefois la rendait indulgente, car elle avait bien pleuré l’amant qu’elle n’avait pas eu et l’amant dont elle avait causé la perte, l’un par amour, l’autre par bonté. Elle ne voulut jamais se marier ensuite, et elle dit un jour à quelqu’un par qui elle était pressée : « Il n’y avait que deux hommes pour moi : j’aurais pris l’un, parce que Dieu l’avait rendu si agréable à mes yeux, que je ne pouvais m’empêcher de l’aimer, et j’aurais, à son défaut, accepté l’autre, parce que Dieu m’avait rendue si agréable à ses yeux, qu’il ne pouvait s’empêcher de m’aimer. Ils ne sont plus pour moi ; je ne serai plus