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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/138

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pour personne. » On voit que j’étais heureusement tombé, pour ne donner ni dans le libertinage, ni dans le découragement, occasionné par un excès de sévérité, qui aurait pu me conduire au vice infâme de la mast… Mais n’allons pas trop vite aux événements importants ; tout est lié dans mon histoire ; les causes se développent successivement par les effets, et les plus petites en apparence ont quelquefois eu les suites les plus sérieuses.

On sait que j’allais souvent en campagne, pour les affaires de la maison ; qu’en sortant du presbytère, une agréable chimère de mariage avec Jeannette s’emparait de mon imagination. Un jour, en passant devant le château auprès duquel était la maison de Mlle Rousseau, je l’aperçus assise avec sa cousine Stallin : elles travaillaient de l’aiguille. J’entrevis le joli pied de Jeannette. Ah ! comme ce charme surpassait tout ce que j’avais admiré jusqu’alors ! Je rougis en saluant gauchement ; je ne savais ce que j’étais, ce que faisais. Je reviens sur mes pas, comme si j’eusse oublié quelque chose ; j’entre dans la chambre de Marguerite, l’imagination embrasée. La gouvernante n’y était pas, j’aperçus ses mules ; je soupirai : « Que cette mule serait jolie dans le pied de Jeannette !… » J’en pris une, je l’emportai, je partis. En repassant, je ne vis plus Jeannette. J’en fus presque bien aise ; le plaisir que me donnait la vue de cette fille était, lorsque j’étais vu, trop brûlant, et toujours accompagné de peine ; je le redoutais comme une jeune et timide