Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beauté craint, le soir de ses noces, le jeune époux qu’elle aime… En chemin, j’admirai cent fois le bijou dont je m’étais emparé. Je me rappelais, avec trouble, l’émotion du jour de l’Assomption, et cette idée aurait pu être dangereuse, sans le souvenir, plus prochain, de la vue du pied de Jeannette. C’était la veille de la Vierge de Septembre. Le soir, à mon retour, je ne pus remettre la mule de Marguerite. Le matin, j’allais à Saint-Cyr pour notre provision. À mon arrivée, j’allai prendre à déjeuner ; je trouvai Marguerite inquiète, cherchant la mule qui lui manquait… Je tremblai qu’elle ne découvrît ma singulière fantaisie !… Je tirai adroitement la mule de ma poche, et je la laissai tomber dans le coffre en passant : lorsque je fus à la porte, Marguerite me regarda, comme si elle avait voulu m’interroger ; enfin elle se retourna et vit la mule : elle ne fut pas la dupe, mais elle ne comprenait pas le motif que j’avais eu de la prendre. Elle s’en para donc ; car c’était une vraie parure…

Après les vêpres, nous nous trouvâmes encore seuls ; mais elle évita ce qui m’avait excité le jour de l’Assomption… J’allai prendre à goûter. — « Avouez-moi une chose », me dit-elle ; « que vous aviez caché ma mule ? » Je rougis ; mais je ne mentis pas ; je dis la vérité. — « Pauvre enfant ! » me dit-elle, « je vous excuse ! car je vois par là que vous seriez capable d’en faire autant pour Jeannette, que Louis Denêvres » (c’est le nom de l’amant que son indifférence avait mis au désespoir)… « en a fait