Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/124

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pressés par l’heure, nous sortîmes tous. Au retour de l’église, l’envie de revoir Nannette me fit surmonter cette pudeur naturelle, qui m’a porté longtemps à fuir, avec un plus grand soin, l’objet qui me plaisait davantage ; je cédai aux pressantes invitations de mes camarades, et à l’espèce de violence polie qu’employa Madelon. J’étais d’ailleurs toujours si bien reçu dans cette maison, qu’elle devait un peu m’apprivoiser. Dés que nous fûmes dans la cour, je m’aperçus que Mlle Rameau parlait à l’oreille de la provocante moissonneuse. Madelon était bien différente ! C’était un de ces êtres sans sexe, qui n’ont ni beauté, ni laideur, sans grâces, et de la plus grande nullité ; car les femmes ont la leur, comme les hommes : celle des femmes consiste à ne rien avoir qui plaise. Je jouai avec mes camarades : dans un instant où j’étais seul caché au fond de l’étable aux mules, animaux que le père Rameau employait à son labourage, Nannette vint doucement derrière moi, me surprit, et me prenant les deux mains : — « Il faut que je vous embrasse à mon aise, » me dit-elle en riant. Je feignis de vouloir me débarasser : ce qui redoubla son envie. Elle me pressa contre son sein, le plus beau que j’eusse encore vu… Vivement ému, je l’embrassai moi-même. Alors, Nannetie parut comme saisie d’une fureur utérine ; elle me serra, s’empara de tout mon être, et me fit palper tout le sien. Il parait que cette fille était tempéramenteuse à l’excès… Elle pâlit, ses genoux fléchirent ; elle me pressait et repoussait tour à