Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/133

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pas encore lire le Français, et je m’en mourais d’envie : mais mon père, par une saine politique, renfermait les livres de cette langue, qu’il nous lisait le soir, après le souper, heure à laquelle toute la famille était rassemblée. À la chute du jour, attiré par les cris et par les ris de la jeunesse, je courais à la prairie, où je trouvais à jouer à l’escarpolette, à la chèvre, à la belle-mère ; ensuite à la pucelle, et dés que l’obscurité empêchait d’y voir, au loup, quand il y avait de grandes filles. Tout le monde connaît l’escarpolette : la nôtre avait pour appui un vieux pommier sauvage ; plusieurs licous de cheval noués ensemble, formaient la brandilloire : les filles et les garçons étaient brandillés tour à tour ; mais les premières éprouvaient quelquefois certains désagréments quand il se trouvait, dans le jeu, des vauriens comme le Grand-Colas, qui cherchaient à les mettre dans des points de vue immodestes…

La chèvre ressemble au tirage de l’oie, tel qu’on y joue à Paris. Originairement une chèvre en était le prix ; elle se tirait dans les vendanges ; on la tuait à coups de bâtons, lancés de cinquante pas, et on s’en régalait : celui qui avait porté le coup mortel était franc de toute dépense. De mon temps, la chèvre n’était qu’un bâton fiché en terre, qu’il fallait renverser, en lançant de cinquante ou soixante pas celui qu’on avait à la main.

La pucelle était un jeu fort amusant, qui affectait les formes dramatiques. On couvrait une jeune fille, qui était la pucelle, des tabliers de toutes celles qui