Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/136

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On choisissait trois de ces dernières ; l’une était élue tante maternelle, sœur de la mère défunte ; la seconde devait faire la belle-mère ; la troisième était la belle-fille. La tante arrivait d’un village voisin. En approchant de l’endroit où la belle-mère était assise avec la belle-fille, qu’elle faisait travailler, sans lever les yeux, elle s’informait de droite et de gauche, comment sa nièce était traitée par sa belle-mère ? Les uns disaient : — « Elle ne lui donne que du pain de son moisi ; les autres : — « Elle ne lui fait manger que des pommes sauvages demi-pourries. » La tante, à chaque mot, répondait : — « Oh ! ma pauvre nièce ! fille de ma pauvre sœur, que j’ai tant aimée ! » Elle arrivait auprès de la belle-mère, qui prenait un air doux : — « Bon jour, ma sœur… Allons, petite fille, quittez l’ouvrage ; c’est assez travaillé. » La belle-fille se levait ; mais elle avait eu la tête si longtemps baissée, par l’application au travail, qu’elle ne pouvait la relever : — « Redresse-toi donc, ma nièce. — Hélas ! je ne saurais : mon cou est plié, ne se dépliera jamais ! » La tante tournait la tête pour cacher ses larmes, et la belle-mère redressait sa belle-fille par deux bons coups de poing par devant et par derrière… — « Allons, ma sœur, » reprenait la méchante, « vous venez de loin : vous mangerez bien un morceau ; je vais mettre la nappe. » La belle-fille lui présentait la nappe, dans laquelle était enveloppé du pain noir moisi, qui tombait à terre. La belle-mère disait tout bas : — « Chienne, ramasse ton pain. » Et tout haut : — « On ne man-